Bases théologiques consécration

(extrait d’une brochure de l’Opus Angelorum)

A. Qu’est-ce qu’une consécration ?


Une consécration est fondamentalement une donation, de personnes ou d’objets, au culte divin. Ce qui est consacré est réservé à Dieu et n’est plus disponible pour l’usage profane. Cette séparation s’opère soit par la main de Dieu, soit par un rite ou une bénédiction.

Dans l’histoire du salut, toute consécration vient de Dieu : c’est Lui qui appelle les hommes à Son Service pour les faire entrer en communion avec Lui. Dieu ne proposant qu’une alliance d’amour, la consécration est un acte libre, une réponse de la créature. Ce mystère d’alliance et de consécration se retrouve tout au long de l’histoire du salut, pour culminer en Jésus Christ, qui lui donne sa plénitude.

1. Dans l’Ancien Testament


Dans l’Ancien Testament, Dieu s’est choisi tout le peuple d’Israël pour le sanctifier, c’est-à-dire pour le séparer et le réserver à Son propre service sacerdotal (cf CEC 1538 et Ex 19,6). Il a fait alliance avec Son peuple pour la gloire de Son nom.

A l’intérieur de ce peuple de prêtres, Dieu s’est choisi une tribu, celle de Lévi, pour la consacrer au service liturgique (cf CEC 1539 ; Nb 1, 48s). Le prêtre « est établi pour intervenir en faveur des hommes dans leurs relations avec Dieu, afin d’offrir dons et sacrifices pour les péchés » (Hb 5,1). Le but de la consécration du peuple et du prêtre est la plus grande gloire de Dieu ; les personnes choisies ont cependant le devoir de se sanctifier pour entrer en communion avec Dieu.

2. Le Nouveau Testament


La source de toute consécration est la nature humaine du Christ, le Verbe de Dieu fait homme ; toutes les autres consécrations lui sont ordonnées. Lui, le Messie, l’Oint (c’est-à-dire le consacré), est le seul médiateur entre Dieu et l’homme, le grand prêtre véritable, la tête de l’Eglise. La consécration, la séparation et la sanctification du peuple de Dieu dans l’Ancien Testament (avec son culte et son sacerdoce) n’étaient qu’une image, une préfiguration du Nouveau Testament, que le Christ a institué grâce à Son sacrifice, et à Sa propre consécration : « Pour eux je me sanctifie (consacre) moi-même, afin qu’ils soient, eux-aussi sanctifiés (consacrés) dans la vérité. » (Jn 17, 19) C’est seulement en et par Jésus Christ que toute consécration reçoit son sceau et devient effective dans le Saint Esprit (cf Eph 1, 13).

3. Les sacrements


Le Christ se sert de l’Eglise, et spécialement des sacrements du Baptême, de la Confirmation et de l’Ordre, pour consacrer les hommes et pour les faire participer à Son sacerdoce et à Sa propre sainteté. « Vous êtes un peuple choisi, un sacerdoce royal, une race sainte, un peuple qu’Il a élu pour être sien, pour qu’il proclame les merveilles de Celui qui vous a tirés des ténèbres pour vous conduire à sa Lumière. » (1 P 2, 9)

Cette participation est imprimée dans l’âme de manière sacramentelle ; c’est un signe spirituel indélébile de l’alliance de Dieu avec l’homme et le fondement de la sainteté de l’Eglise. Par les sacrements, les fidèles participent au sacerdoce du Christ et reçoivent la grâce sanctifiante. C’est pourquoi ils ne sont plus de ce monde (cf Jn 17, 14), mais sont consacrés au Service de Dieu par leur appartenance au Christ.

B. La réponse de l’homme


1. Les sacrements


A travers les sacrements, il s’agit donc bien d’une alliance entre Dieu et l’homme. Ce dernier doit accepter librement dans la foi ces consécrations sacramentelles et s’acheminer, grâce à elles, vers une vie à la gloire de Dieu. Par sa participation au sacerdoce du Christ, le chrétien devient capable d’adorer Dieu de manière surnaturelle et de participer à la liturgie.

Les vertus théologales –Foi, Espérance et Charité- nous unissent directement à Dieu, tandis que le vrai culte divin est la vertu par laquelle l’homme se conforme totalement à Dieu, et Lui rend gloire en Le servant et en L’honorant (cf Somme Théol. II-II, 81, 3, 2m). En ce qui concerne la charité, saint Thomas souligne : « L’amour est inséparable du don de soi. En se donnant à Dieu par amour, l’homme entre d’une certaine manière en union avec l’Esprit de Dieu. Le don de soi, par des actes qui honorent Dieu, fait d’abord partie de la vertu de piété, grâce à l’amour, qui est le fondement de tout culte rendu à Dieu. » (ibid II-II, 82, 2, 1m)

Le culte divin culmine dans la célébration liturgique. « Chaque fois que l’alliance de Dieu avec les hommes se renouvelle dans la célébration de l’Eucharistie, les fidèles sont attirés et enflammés par l’amour pressant de Dieu. La grâce se déverse sur nous à travers la liturgie, et tout spécialement à travers l’Eucharistie ; c’est dans le Christ que s’opère la sanctification de l’homme et la glorification de Dieu, but de toute action de l’Eglise. » (Concile Vatican II, De la liturgie, n°10)

La dévotion est toujours et en premier lieu don de soi. Saint Thomas l’explique : « le mot dévotion vient de « se vouer ». C’est pourquoi les fidèles sont ceux qui se donnent à Dieu, de quelque manière que ce soit, ceux qui se confient totalement à 4 Lui. » (ST, II-II, 82, 1c) C’est pourquoi nous pourrions remplacer le mot dévotion par « disponibilité à se consacrer. »

2. Une vie consacrée


De manière générale, « tous les chrétiens sont appelés à la plénitude de l’amour et de la vie chrétienne, quel que soit leur état de vie ou leur rang. » (Concile Vatican II, De l’Eglise, n°40) Cela signifie d’abord un élan vers la perfection, en accord avec la consécration du baptême et de la confirmation et les obligations élémentaires qui en découlent : obéissance aux commandements de Dieu et participation à la liturgie de l’Eglise.

Il existe en outre une manière encore plus parfaite de vivre cette consécration : « Dès les origines, il y eut dans l’Eglise des hommes et des femmes qui désiraient suivre à la lettre les conseils évangéliques du Christ, pour se rendre plus semblables à Lui et mener ainsi une vie consacrée explicitement à Dieu. » (Concile Vatican II, Pour un renouvellement de la vie religieuse, n°1) Celui qui y est appelé peut se donner à Dieu de cette manière, en renonçant à posséder, à se marier et à disposer de sa personne, pour mieux suivre Jésus et Lui appartenir totalement. L’Eglise accepte au nom du Seigneur les voeux de la personne qui se consacre (ibid n°5). Les voeux religieux sont bien des actes qui honorent Dieu et des moyens de Le servir et de Lui rendre gloire, des actes de dévotions.

La dévotion s’actualise donc pour certains dans la vie sacramentelle, pour d’autres dans les voeux. De toute manière, la personne est séparée du monde et rendu capable de conduire une vie qui plaise à Dieu.

Comme l’alliance entre Dieu et l’homme se conclut dans l’approbation et l’acceptation mutuelle, c’est le même mot, consécration, qui désigne l’action de Dieu et la réponse de la personne.

3. La piété


Dans la vie de l’Eglise, il existe, en dehors des sacrements et de la vie consacrée, une multitude d’actes de piété, de don de soi, de dévotion. Les fidèles en espèrent soit une protection spéciale, soit des grâces, en offrant au Seigneur prières et bonnes actions. Il existe ainsi des voeux pour obtenir une protection ou des consécrations promettant de servir Dieu.

Ces voeux appartiennent aussi à la vertu de dévotion, sans avoir, bien sûr, ni l’essence ni le rang des voeux religieux (CEC n°2102). Ce sont des consécrations dans le sens d’un don durable de soi, reconnu par l’Eglise, comme, par exemple, la consécration au Sacré-Coeur.

« De toutes les dévotions au Sacré-Coeur, c’est la consécration qui touche d’avantage nos yeux et nos sentiments, le don confiant de tout notre être et de tous nos biens au Coeur Sacré de Jésus…. C’est l’acte de consécration qui scelle l’union et la fortifie. » (Pie XI, Encyclique Miserentissimus Redemptor, 124 et 134) le pape Pie XII ajoute (Encyclique Haurietis aquas) : « Car il est manifeste que ce culte, si nous considérons sa nature particulière, est l’acte de religion par excellence – puisqu’il requiert de notre part une volonté pleine et absolue de nous vouer et nous consacrer à l’amour du divin Rédempteur. » En réalité, « le culte rendu au Coeur transpercé de Jésus est une discipline qui conduit excellemment à la perfection chrétienne. »

C. Consécration à Marie


Le but intrinsèque de toute dévotion est toujours la plus grande gloire de Dieu. Dans ce cas, une dévotion envers de saintes créatures est-elle possible ? la liturgie honore Notre Dame, les Saints et les Anges. Saint Thomas nous en donne l’explication : « La dévotion envers les Saints de Dieu ne s’arrête pas à leur personne, elle rejaillit sur Dieu, car c’est en tant que serviteurs de Dieu que nous les honorons. » (ST, II-II, 82, 2, 3m)

Au long de l’histoire de l’Eglise, certaines dévotions ont porté à une consécration non pas à Dieu, mais à des créatures : à Marie, aux Anges et aux Saints. Ces voeux sont les fruits d’une dévotion particulière, leur but restant fondamentalement la gloire de Dieu ; en effet, une consécration est une promesse d’amour pour les fidèles qui en espèrent une plus grande fidélité au service de Dieu. Marie, la créature la plus sainte, est au centre de cette dévotion.

Une des plus anciennes prières mariales, Sub tuum presidium, contient déjà un acte de consécration à Marie pour lui demander sa protection. Les racines de cette dévotion remontent donc au tout début du christianisme.

Saint Louis Marie Grignon de Monfort (+1716) explique que l’essence de la consécration réside dans « un don de soi total à Notre Dame, pour appartenir, grâce à elle, totalement à Jésus » (livre d’or, 121). Un renouvellement conscient et radical des promesses du baptême accompagne ce don de soi à Marie, qui nous accueille alors maternellement comme ses enfants. C’est donc le baptême en tant qu’alliance et la médiation de Marie qui sont, pour saint Louis-Marie, les fondements de la consécration. Notre seul engagement supplémentaire consiste à « faire toutes nos actions par Marie, avec elle et pour elle, pour qu’elles soient plus parfaitement par le Christ, avec le Christ, dans le Christ et pour le Christ. » (ibid 257)

Le pape Pie XII s’est adressé par ces mots aux membres de la Congrégation Mariale : « La consécration à Notre Dame… est un don total de la personne pour la 6 vie et l’éternité ; ce n’est pas seulement une affaire sentimentale, superficielle, mais un don efficace, qui s’accomplit dans l’intensité d’une vie chrétienne et mariale, une vie apostolique, qui fait du membre de la Congrégation un ministre de Marie, sa main visible sur terre, plein d’élan dans une vie intérieure qui rejaillit en actes extérieurs de piété solide, de louange de Dieu, de zèle et de charité. » (Discours du 21 janvier 1945)

Le pape Paul VI a encouragé tous les membres de l’Eglise « …à renouveler personnellement et profondément leur consécration au Cœur Immaculé de Marie, Mère de l’Eglise ; à prendre exemple, en signe d’amour et de confiance, sur son amour maternel pour remplir leur vie. Que chaque vie soit de plus en plus conforme à la volonté de Dieu, orientée comme la vie de Notre Dame, pour la servir comme de vrais enfants. » (Signum Magnum, fin)

A l’occasion de la consécration à Marie avec tous les évêques, saint Jean-Paul II mit en parallèle la consécration à Jésus par Marie et la consécration de Jésus à son Père pour notre salut : « Devant toi, Mère du Christ, devant ton Coeur Immaculé, nous voulons aujourd’hui, avec toute l’Eglise, nous unir à la consécration de ton Fils à Son Père, par amour pour nous : « Pour eux, a-t-il dit, Je me consacre moi-même, afin qu’ils soient eux aussi consacrés en vérité. » (Jn 17,19) (Texte de la Congrégation pour la doctrine de la Foi : le message de Fatima, juin 2000)

Il s’agit donc au fond d’accepter l’aide de Marie pour approfondir notre participation à la consécration de Jésus, le divin rédempteur, à son Père, pour le salut du monde. C’est donc bien Jésus le but de la consécration à Notre Dame : recevoir, par elle, non seulement la grâce du Christ sauveur, mais participer activement, avec Marie, à l’oeuvre du salut.