(Pour aller plus loin : Bases théologiques d'une consécration)
1er jour « Découverte de la Vierge Marie »
Le contemplatif est un explorateur de ces régions qui commencent aux confins extérieurs du domaine de l’intelligence et s’étendent jusqu’à l’infini. Dans ces immensités mystérieuses il s’avance à la lumière de la foi vive. Puisqu’il parvient jusqu’à Dieu, comment ne découvrirait-il pas un jour Celle par qui passe tout don divin ?
De même que dans le mystère de l’Incarnation Marie n’est point seulement médiatrice en nous donnant le Verbe, mais qu’elle exerce sa fonction maternelle sur le Verbe en lui donnant une humanité qui en fait le Christ Jésus, son Fils, de même sa fonction maternelle qui ne saurait déchoir dans le mystère de l’Eglise, s’exerce d’une façon active sur la grâce qui passe par elle avant de nous parvenir. Cette action maternelle de Marie humanise en quelque façon la grâce et l’adapte à nos besoins, mais pour mystérieuse qu’elle soit, elle n’en est pas moins réelle et profonde. Par elle la grâce, qui devient mariale en restant essentiellement divine, fait de l’enfant baptisé un frère de Jésus, et comme Lui, un fils de Dieu et un fils de Marie.
Ce caractère marial imprimé dans la grâce par la maternité de Marie complète heureusement l’instinct filial que cette grâce tient de son origine divine. Nous avons reçu un instinct filial qui crie vers Dieu « Ô Père », nous révèle l’Apôtre. Cet esprit filial serait-il complet et même normal s’il ne criait en même temps « Ô Mère » ? Toute génération de vie créée, à commencer par celle du Verbe Incarné jusqu’à celle du plus simple des êtres vivants, procède d’un père et d’une mère. Dieu l’a voulu ainsi. La grâce ne saurait échapper à cette loi. Et puisque tout instinct filial porte en lui un mouvement simple et unique vers sa double origine, la grâce elle aussi doit connaître ce mouvement vers ceux qu’elle appelle père et mère. Aussi avec Saint Alphonse de Liguori pouvons-nous affirmer que l’esprit qui nous a été donné par la grâce crie en nous vers Marie « Ô Mère » en même temps qu’il crie vers Dieu « Ô Père ».
(Bx P. Marie-Eugène, Beauté de Marie, Vive Flamme n°39 (1966-3)
2ème jour « Les soleils » du jardin du Carmel
La caractéristique de cette fleur est de se tourner d’elle-même vers le soleil ; en outre, elle est une réplique du soleil. C’est une humble fleur qui peut pousser dans tous les jardins, qu’elle embellit de sa présence. Elle est grande et solide, et ses racines s’enfoncent aussi profondément que celles d’un arbre. C’est en ce sens qu’on peut dire qu’aucune dévotion n’est plus solide que celle de Marie. Le frais feuillage, les feuilles vertes témoignent de l’abondance des vertus qui entourent la dévotion à Marie. La fleur elle-même représente l’âme créée à l’image de Dieu pour absorber la lumière du soleil de sa bonté : deux soleils s’éclairant mutuellement, l’un rayonnant une lumière incommensurable, l’autre absorbant cette lumière, plongé dans la chaleur de cette lumière, et brillant de mille feux comme un autre soleil, mais captivé à tel point par les rayons de l’astre qui l’irradie qu’il ne peut s’éloigner de lui, mais seulement vivre pour lui et à travers lui. Marie est cette fleur. Comme elle, nous pouvons nous aussi, fleurs issues de sa semence, faire épanouir les boutons que nous sommes au Soleil qui pénétrait en elle, et qui nous transmettra, à nous aussi, les rayons de sa lumière et de sa chaleur.
(Bx Titus Brandsma, Itinéraire spirituel du Carmel, pp.77-78)
3ème jour : « Le coeur de l’Eglise »
Les Pères ont cherché à symboliser sa place dans le Corps Mystique. Certains l’ont assimilée au cou gracieux et fort qui soutient la tête et l’unit au tronc. Mais le cou n’est pas à proprement un organe. Ne vaut-il pas mieux comparer le rôle de la Vierge à celui du cœur ? Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, en une intuition surnaturelle profonde, vit un jour les vrais contemplatifs au cœur de l’Eglise, l’animant tout entière par la chaleur et la force de leur amour pleinement désintéressé.
La Reine des contemplatifs est là, la première. C’est dans son cœur à elle que bat celui de l’Eglise. La tête qui est le Christ voit, entend, pense, régit les divers membres. Et en même temps, à l’unisson, le cœur bat silencieusement, il brûle de charité et la répand dans le corps tout entier comme une liqueur de vie. Comparaison imparfaite sans doute. Les symboles ne doivent pas nous faire oublier que Marie est l’œuvre du Christ en même temps que sa compagne. Mais tels, ils nous suggèrent que la Vierge est bien cette Mater, fons amoris, cette « Mère, source d’amour » dont parle le Stabat.
(François de sainte Marie ocd, Visage de la Vierge, p. 47)
4ème jour : « Vie mariale »
Si je dis : « manière plus noble et plus élevée », c’est une façon d’exprimer que cette manière de vivre en Dieu, dans et par Marie, est plus facile comme étant mieux proportionnée à notre faible capacité réceptive, parce que tant qu’il demeure lié à notre corps mortel, notre regard intérieur reste trop faible et trop débile pour contempler Dieu en pleine clarté, tel qu’Il est, et ne le peut faire que dans l’obscure lumière de la Foi.
Mais lorsque nous recevons la grâce de pouvoir contempler Dieu et de L’aimer en Marie et par Marie unie à Dieu, alors Dieu se montre en Marie et par Elle, comme dans un miroir. Et les rayons et les reflets de sa Déité sont mieux à la mesure de notre petite capacité et à la faiblesse de l’oeil de notre intelligence. De cette façon il nous est possible de persévérer plus longtemps dans la contemplation et la fruition de Dieu, ainsi que de connaître et de découvrir d’une façon plus distincte et claire ses divines perfections et ses attributs. Il en va de même ici que d’un homme qui serait curieux de voir le soleil avec plus de précision.
Il ne se hasardera pas à plonger son regard en plein dans les rayons solaires, car cela n’irait pas sans grand risque d’y perdre la vue ou de la blesser. En effet, sa vue est trop faible et trop débile pour fixer la grande clarté et l’éclat du soleil. Alors il prend un miroir, où il verra distinctement l’image du soleil, avec ses rayons flamboyants, et il n’aura aucune difficulté ni peine. Pourquoi ? Mais parce que ce miroir tempère l’ardeur des rayons et les présente et reflète proportionnés à sa puissance visuelle. De cette façon il voit le soleil distinctement, comme s’il n’y avait pas entre celui-ci et son oeil de moyen interposé. Car il ne s’arrête pas au miroir, mais bien au soleil qui s’y découvre, sans que l’oeil puisse séparer le soleil du miroir.
Ainsi en est-il de Dieu et de l’aimable Mère que l’on doit considérer en un seul et comme formant un seul objet de contemplation : Dieu en Marie et Marie en Dieu, sans distinguer l’un de l’autre. Alors on verra que l’aimable Mère est un miroir sans tache, dans lequel Dieu se montre à nous avec toutes ses propriétés divines, avec ses perfections, avec ses mystères et cela d’une manière que peut plus aisément comprendre et saisir la pauvre capacité de notre intelligence.
(Marie de sainte Thérèse, Vie mariale, ch. 217)
5ème jour : « Douce comme la lune »
Disons donc hardiment avec saint Bernard, que nous avons besoin d’un médiateur auprès du Médiateur même, et que la divine Marie est la plus capable de remplir cet office charitable ; c’est par elle que Jésus-Christ nous est venu, et c’est par elle que nous devons aller à lui. (…) Elle n'est pas le soleil, qui, par la vivacité de ses rayons, pourrait nous éblouir à cause de notre faiblesse ; mais elle est belle et douce comme la lune, qui reçoit la lumière du soleil et la tempère pour la rendre conforme à notre petite portée.
Elle est si charitable qu'elle ne rebute personne de ceux qui demandent son intercession, quelques pécheurs qu'ils soient ; car, comme disent les saints, il n'a jamais été ouï dire, depuis que le monde est monde, qu'aucun ait eu recours à la Sainte Vierge avec confiance et persévérance, et en ait été rebuté. Elle est si puissante que jamais elle n'a été refusée dans ses demandes ; elle n'a qu'à se montrer devant son Fils pour le prier: aussitôt il accorde, aussitôt il reçoit ; il est toujours amoureusement vaincu par les mamelles et les entrailles et les prières de sa très chère Mère.
(Saint Louis-Marie Grignon de Montfort, Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge, § 85)
6ème jour : « Un appui ascendant »

Ceci réalise parfaitement le côté visuel de l’ « attention amoureuse » demandée par le Docteur de la Nuit. Nous devons à son école dépasser toute connaissance particulière, comme toute faveur spéciale, pour arriver à une intuition uniforme de la lumière de la foi. Ce dépassement continuel est un vrai martyr, et requiert une générosité exceptionnelle. Or le regard sur Marie fait cela beaucoup plus aisément. Marie n’est pas une « faveur spéciale » ni une « grâce particulière » dont il faille faire le sacrifice, puisqu’elle est le trait d’union avec Dieu. Mais elle se comporte comme une « grâce particulière » en se rendant perceptible à son enfant ; puis en se reculant dans sa transparence elle tire le regard toujours plus loin vers l’infini, sans que l’âme ait autre chose à faire qu’à continuer de la regarder. Par Elle la pénombre où se trouve l’âme s’avance sur le terrain obscur, diminuant ainsi l’impression de risque, si pénible à l’âme, mais sans diminuer le mérite puisque c’est toujours dans la foi que le pas est fait.
(Jean de Jésus-Hostie, Notre Dame de la Montée du Carmel, pp. 96-97)
7ème jour : « La seule vraiment enfant »
« Mais remarque bien maintenant, petit : la Sainte Vierge n’a eu ni triomphe, ni miracles. Son fils n’a pas permis que la gloire humaine l’effleurât, même du plus fin bout de sa grande aile sauvage. Personne n’a vécu, n’a souffert, n’est mort aussi simplement et dans une ignorance aussi profonde de sa propre dignité qui la met pourtant au-dessus des anges. Car enfin elle était née sans péché, quelle solitude étonnante ! Une source si pure, si limpide, si limpide et si pure, qu’elle ne pouvait même pas y voir refléter sa propre image, faite pour la seule joie de Dieu. (…)
Le regard de la Vierge est le seul regard vraiment enfantin, le seul vrai regard d’enfant qui se soit jamais levé sur notre honte et notre malheur. Oui, mon petit, pour la bien prier il faut, il faut sentir sur soi ce regard qui n’est pas tout à fait celui de l’indulgence – car l’indulgence ne va pas sans quelque expérience amère – mais de la tendre compassion, de la surprise douloureuse, d’on ne sait quel sentiment encore, inconcevable, inexprimable, qui la fait plus jeune que le péché, plus jeune que la race dont elle est issue, et bien que Mère par la grâce, Mère des grâces, la cadette du genre humain. »
(Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne, cité dans Les plus beaux textes sur la Vierge Marie, p. 376)
8ème jour : « Boire au torrent de la Joie de Dieu »
Dans cette vie, nous distinguons une double fin : l’une que nous atteignons par notre labeur et l’exercice des vertus avec l’aide de la grâce divine : offrir à Dieu un coeur saint et pur de toute souillure actuelle de péché ; nous y parvenons lorsque nous sommes parfaits et en Carith ; c’est-à-dire cachés dans cette charité dont le Sage dit : « La charité couvre tous les péchés » ; Dieu, dans son désir qu’Elie parvienne à cette fin, lui dit : « Cache-toi dans le torrent de Carith. »
L’autre fin de cette vie nous est proposée en vertu d’un pur don de Dieu ; elle consiste à goûter d’une certaine manière en notre coeur, à expérimenter dans notre esprit, la force de la divine présence et la douceur de la gloire d’en-haut, non seulement après la mort, mais même en cette vie mortelle. Voilà ce qui est proprement boire au torrent de la Joie de Dieu. Cette fin, Dieu l’a promise à Elie en lui disant : « Et là tu boiras au torrent. »
(Institution des premiers moines, cité dans Les plus vieux textes du Carmel, p. 111-112)
9ème jour : « Se remettre entre les mains de Marie »
Le Christ, sur la Croix, dit : « Femme, voici ton fils ». Par cette parole, il ouvrit, d’une manière nouvelle, le coeur de sa Mère. Peu après, la lance du soldat romain transperça le côté du Crucifié. Ce coeur transpercé est devenu le signe de la rédemption que l’Agneau de Dieu accomplit par sa mort.
Le Coeur immaculé de Marie, ouvert par la parole : « Femme, voici ton fils », rencontre spirituellement le coeur de son Fils ouvert par la lance du soldat. Le coeur de Marie a été ouvert par l’amour même pour l’homme et pour le monde dont le Christ a aimé l’homme et le monde, s’offrant lui-même pour eux sur la Croix, jusqu’au coup de lance du soldat.
Confier le monde au Coeur immaculé de Marie signifie nous approcher, grâce à l’intercession de la Mère, de la Source elle-même de la vie, qui a jailli au Golgotha. Cette Source jaillit sans interruption avec la rédemption et avec la grâce. En elle s’opère continuellement la réparation pour les péchés du monde. Elle est en permanence source de vie nouvelle et de sainteté.
Confier le monde au Cœur immaculé de la Mère signifie revenir au pied de la Croix du Fils. Plus encore, cela veut dire confier ce monde au Cœur transpercé du Sauveur, le faire remonter à la source même de sa rédemption. La rédemption surpasse toujours le péché de l’homme et le « péché du monde ». La puissance de la rédemption est infiniment supérieure à toutes les possibilités de mal qui se trouvent dans l’homme et dans le monde.
Le Coeur de la Mère, comme aucun autre dans tout l’univers, visible et invisible, en est bien conscient.
C’est pour cela qu’il appelle !
Il n’appelle pas seulement à la conversion, il nous appelle à nous faire aider par elle, la Mère, pour revenir vers la source de la rédemption.
Se remettre entre les mains de Marie signifie se faire aider par elle pour nous offrir, nous-mêmes et l’humanité, à Celui qui est Saint, infiniment Saint ; se faire aider par elle – en ayant recours à son Coeur de Mère qui, au pied de la Croix, s’est ouvert à l’amour pour tout homme, pour le monde entier – afin d’offrir le monde, et l’homme, et l’humanité, et toutes les nations, à Celui qui est infiniment Saint. La sainteté de Dieu a été manifestée dans la rédemption de l’homme, du monde, de l’humanité entière, des nations, rédemption qui s’est accomplie par le sacrifice de la Croix. « Pour eux, je me consacre moi-même » avait dit Jésus (Jn 17,19).
(Saint Jean-Paul II, homélie du 13 mai 1982 à Fatima)
Prière de Consécration
Bienheureuse Vierge Marie, Reine et Beauté du Carmel, avec une gratitude renouvelée pour ta présence maternelle nous unissons notre voix à celle de toutes les générations qui te disent bienheureuse.
Nous célébrons en toi les grandes oeuvres de Dieu, qui jamais ne se lasse de se pencher avec miséricorde sur l’humanité, affligée par le mal et blessée par le péché, pour la guérir et pour la sauver.
Accueille avec ta bienveillance de Mère l’acte de consécration que nous accomplissons aujourd’hui avec confiance.
Nous sommes assurés que chacun de nous est précieux à tes yeux et que rien ne t’est étranger de tout ce qui habite dans nos cœurs. Nous nous laissons embrasser par ton très doux regard et recevons la caresse réconfortante de ton sourire. Protège notre vie entre tes bras: bénis et renforce tout désir de bien ; ravive et nourris la foi ; soutiens et illumine l’espérance ; suscite et anime la charité ; guide nous tous sur le chemin de la sainteté.
Enseigne-nous ton amour de prédilection pour les petits et les pauvres, pour les exclus et les personnes qui souffrent, pour les pécheurs et les égarés du cœur : rassemble tous les hommes sous ta protection et confie les tous à ton Fils bien-aimé, Notre Seigneur Jésus. Amen.