mardi 1 mai 2018

Homélie en la fête de saint Joseph, du Bx Marie-Eugène de l'Enfant-Jésus

Saint Joseph que nous fêtons aujourd'hui, est comme une de ces étoiles qui, pendant de longues années, n'ont pas été découvertes. En effet, pendant de longs siècles, il a été presque méconnu et on ne le voyait que dans le groupe de la sainte Famille. Mais voici que d'audacieux explorateurs du Ciel, Gerson, sainte Thérèse et saint Bernardin de Sienne découvrent cet astre, le mettent en relief et signalent la puissance et la lumière qu'ils ont ainsi vues.

Saint Joseph, d'Esteban MurilloSaint Joseph monte au firmament de l'Église pour devenir un astre de première grandeur. Nous aimons signaler combien sainte Thérèse aimait saint Joseph. Elle fit appel à lui quand elle fut malade et obtint une réponse si rapide qu'elle sentit comme par expérience la puissance de saint Joseph, puissance pour ainsi dire encore cachée. Elle lui consacra la plupart de ses monastères: quatorze sur dix-huit. Ses fils et ses filles entrèrent dans son mouvement; les pères carmes, venant en France, dédièrent leurs monastères à saint Joseph. (...)

Pourquoi ces longs siècles de silence et d'obscurité? Saint Joseph apparaît comme une nuée lumineuse dont Dieu s'enveloppe, comme cette nuée qui marchait devant les Hébreux, obscure pour les ennemis, lumineuse pour les Hébreux, comme la nuée dans le Tabernacle, lumineuse pour Moïse, obscure pour le peuple. C'est la nuée de la foi qui enveloppe tous les mystères divins. Saint Joseph est un manteau protecteur dont Dieu s'est servi pour cacher les réalisations de ce merveilleux mystère de l'Incarnation. Joseph protège la virginité de Marie, il protège aussi sa maternité. Toute sa vie, Joseph, le charpentier de Nazareth, sera apparemment l'époux de Marie et le père de Jésus. À l'intérieur de cette vie tout ordinaire, le Verbe incarné pourra croître et cacher sa divinité jusqu'au jour où il voudra paraître. Joseph est la nuée qui protège. Dieu veut réaliser son mystère dans l'ombre, il veut le cacher sous cette nuée, obscure d'un côté, lumineuse de l'autre.

(...) Recueillons l'enseignement de sainte Thérèse. Prenons saint Joseph comme modèle, comme maître d'oraison et aussi comme protecteur. Il a protégé la sainte Famille; il a, pour ainsi dire, protégé l'Église naissante dans le cœur de Jésus; et maintenant, il est le protecteur de l'Église. Il a la toute-puissance d'un protecteur universel et d'un père nourricier, non seulement au point de vue matériel, mais au point de vue spirituel. Voilà une puissance qui se présente à nous et que nous devons utiliser!

Saint Thomas d'Aquin et la théologie nous disent que la sainteté des âmes est proportionnée à l'intimité de leurs relations avec le Verbe incarné, source de la grâce et de la sainteté. Après la Sainte Vierge, y a-t-il eu quelqu'un de plus proche du mystère de l'Incarnation, de plus proche du Christ Jésus, des secrets de son âme et de toute sa vie, que saint Joseph? Est-il une âme qui se soit trouvée dans des conditions plus favorables, plus intimes pour avoir des contacts avec le Verbe incarné et y trouver cette ressemblance d'amour avec le Christ Jésus, cette identification par la pensée et par le cœur, par tout l'être, qui est la sainteté?

Saint Joseph(...) Que cette fête de saint Joseph nous soit un enseignement efficace dans notre vie! Où en est saint Joseph dans notre dévotion particulière? Le connaissons-nous, l'aimons-nous, le prions-nous véritablement? A-t-il dans notre vie et dans notre âme, la place que lui assurent son rôle dans la réalisation du mystère de l'Incarnation, ainsi que son rôle et sa place dans l'édification du Corps mystique du Christ auquel il préside lui-même comme protecteur et père nourricier? S'il y a lieu dans la journée, faisons un petit examen de conscience, disons à saint Joseph nos excuses de ne pas l'avoir suffisamment connu, estimé et aimé. Faisons-le entrer désormais dans notre vie spirituelle comme un modèle, comme un maître qui nous enseignera l'intimité avec Jésus et Marie, et nous conduira à cette intimité qu'il a connue lui-même.

Il nous apprendra aussi à être comme lui des nuées lumineuses. Nuées lumineuses, oui, par notre intimité avec Jésus, mais cependant nuées obscures pour les autres, lumières qui se cachent, qui acceptent d'être cachées, d'être méconnues du monde, de ceux qui n'ont pas la foi et ne sont pas entrés dans cette intimité avec Jésus. Acceptons l'humilité de la nuée lumineuse qui n'est connue que de ceux à qui Dieu veut la révéler. Jésus lui-même dit que personne ne peut aller au Père sinon ceux qu'il y conduit lui-même et que personne ne peut aller à lui sinon ceux que le Père y conduit. (...)

(Homélie prononcée le 19 mars 1964 par le bienheureux p. Marie-Eugène de l'Enfant-Jésus)