vendredi 14 décembre 2018

Homélie de la Solennité de st Jean de la Croix

“Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi… pour qu’ils soient un comme nous sommes UN : moi en eux, et toi en moi.“ (Jn 17,21-23)

Puisque nous sommes disciples du Christ, c’est bien à nous que ces paroles de Jésus s’adressent. Quelle unité, quelle intimité entre Lui et nous ! C’est cela que Jésus demande au Père pour nous et c’est cela, l’union avec le Christ, dont toute l’œuvre de saint Jean de la Croix nous parle avec un témoignage extraordinaire d’un cœur “unifié”, en recherche constante du Christ.
Vous pouvez lire la Nuit Obscure, la Vive Flamme ou même la Montée au Carmel et vous découvrirez cette dignité de l’homme, crée pour être uni au Christ! Peut-être que dans le Cantique Spirituel on trouvera – mais c’est un jugement tout à fait personnel – le pages plus belles sur cette amour divin.

Quand Sr Anne de Jésus est évincée par fr Nicolas Doria, elle part en France. C'est là qu'elle publie, en français, le Cantique Spirituel de saint Jean de la Croix, 5 ans avant sa publication en espagnol. La Providence a ainsi fait que ce cantique d’amour fut d’abord lu par le peuple de l'amour car qu'est ce que le cantique sinon un poème d'amour ? Cette blessure dont Jean parle au début n'est pas autre chose qu'un coup de foudre qui le tourmentera toute sa vie. Demandons à saint Jean de raviver notre soif du Christ, de nous préparer à l'étreinte d'avec Lui par une grande soif de Lui.

Être uni au Christ, être „un autre Christ“, c’est la gloire de l’homme dont nous parle l’Évangile et saint Paul dans la deuxième lecture (Rm 8,14-30). C’est cela la haute dignité de l’homme devant lui, être “imago dei” ou “capax dei”, “capables de lui”. Mais soyons honnêtes… du moins en ce qui me concerne, il suffit de me regarder dans le miroir chaque matin pour me rendre compte que ma “gloire”, ma dignité… bon, il faut la chercher dans ce chaos de sentiments, de pensées, de péchés.. ce n’est pas une gloire de type mondaine… ce n’est pas la “grandeur” que le monde promet… ce n’est pas la perfection que l’on pourrait montrer pour gagner quelques applaudissements. Saint Jean de la Croix nous aide à comprendre mieux le sens de cette dignité humaine.

Forcé dès son plus jeune âge à une vie difficile - il perd son père quand il a 2 ans -, ce n'est pas au cours d'une envolée mystique que saint Jean a été blessé par le Christ. Dans sa jeunesse, saint Jean de la Croix a servi les malades et a voulu s'occuper des plus repoussants : les pustuleux. Et c'est dans ces malades qu'il rencontra le Christ, dans l'exercice d'une charité concrète. "Le visage penché vers l'Aimé" (Nuit obscure, strophe 8), telle fut son attitude spirituelle : c'est en dessous de lui qu'il trouvait Jésus. Ce fut à travers son humanité (comme disait Thérèse d’Avila) qu'il rencontrait Dieu, qu’il se laissait blesser par Lui. Et c’est au travers de sa propre humanité, faible et déficiente qu’il comprenait que la dignité de l’homme n’est qu’une grâce donné par Dieu à chacun – sans mérites!

Après quoi, courrait-il ? Vers Dieu. Pour Le retrouver. Sa vie fut une course, une tension entre du début à la fin, une soif de rejoindre l’Aimé. La nuit, l'oubli, l'absence, la soif. De tout cela, il n'était pas mécontent car c'était pour lui promesse d’assouvissement merveilleux. J’aime bien une autre phrase de son poème: "Je me tins coi, dans l'oubli. Le visage penché vers l’Aimé" (Nuit obscure, strophe), disait-il. Son élève la petite Thérèse dira à peu prés la même chose : "ma consolation, c'est de ne pas en avoir". Lui, Jean, se tient coi, tranquille. Oublié mais tranquille. Il fixe son regard sur Jésus, même si dans la nuit il ne voit rien… mais il croit, il croit à Sa présence… Il sait que cette séparation “extérieure” est promesse d'une étreinte forte. "O nuit plus aimable que l'aurore", fais que nous t’acceptions, que nous t’aimions, nous aussi. Nuit de notre incapacité, nuit de notre misère, nuit affective, nuit de notre santé, nuit du Corps voilé, nuit ! fais que nous ne soyons pas scandalisés par toi, que nous t’aimions bien.

A Minuit, dans 10 jours, la Vive flamme viendra nous toucher encore, pour nous faire avoir encore plus soif. Marie, notre Mère, fut la plus désirante des femmes et sûrement la meilleure guide pour l’Avent, le temps de l’attente par définition. ET elle a parcouru aussi le Samedi saint, la vraie nuit de l’absence, en gardant son rôle maternel envers nous. Prenons-la chez nous, mettons-la dans toutes nos affaires. Qu'elle nous garde fixés sur l'essentiel, sur sons fils Jésus Christ. Amen

Fribourg, le 14 décembre 2018, P. Roberto Maria Pirastu OCD