mercredi 6 mars 2019

Adoration ou oraison ?

Il n’est pas rare de rencontrer des âmes d’oraison qui ne soient pas particulièrement portées à l’adoration eucharistique. Elles y trouvent une certaine gêne, qui les empêche de faire oraison et de prier.

Adoration Carmes FribourgLa pratique de l’oraison implique le recueillement, qui consiste à rentrer en nous-mêmes pour nous unir à Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui habite dans notre cœur. L’adoration eucharistique, par contre, empêche le recueillement, puisqu’elle nous oblige à tourner notre attention en dehors de nous-mêmes, vers l’autel sur lequel se trouve la présence réelle de Notre-Seigneur. « On fait alors adoration, mais on ne fait pas oraison », déclarent les âmes en question. Et d’ailleurs, « à l’adoration, il ne faut pas faire oraison », car comment se détourner de la présence réelle dans le Très Saint Sacrement pour rentrer en soi-même sans commettre un péché d’irrévérence à l’égard de Notre-Seigneur ? La conclusion, qui s’impose alors à ces âmes, est simple : l’adoration eucharistique est contraire au recueillement et, par conséquent, à l’oraison.Enfin, l’ado ration eucharistique n’est pas une dévotion  carmélitaine.

Cela appelle quelques clarifications au sujet du recueillement. Celui-ci est aussi indispensable à l’oraison qu’est l’oxygène à l’être vivant. On ne peut faire oraison sans se recueillir, personne ne le remet en question. Toutefois le recueillement n’est pas à confondre avec un mouvement psychologique par lequel on s’imaginerait descendre en soi pour rejoindre la présence de Dieu localisée au niveau du cœur. Le recueillement est, au contraire, un acte de foi théologale. Et seul cet acte de foi permet d’atteindre Dieu et de se mettre en sa présence, il faut le souligner.

Oraison Carmes FribourgLe fait de recourir à une image mentale de Notre-Seigneur ou de localiser sa présence, afin de rassembler et unir ses puissances plus aisément et les faire concourir autant que faire se peut à cet acte de foi, est tout à fait possible et même recommandable. Mais l’essence de cet acte surnaturel consiste à fixer son attention sur Notre-Seigneur Jésus-Christ. C’est ce que Notre Mère sainte Thérèse appelle tout simplement« penser à Notre-Seigneur » (Vie 9, 6). Se recueillir consiste donc à penser à Notre-Seigneur, que nous le représentions en nous, à côté de nous ou devant nous, ou que nous localisions sa présence en nous ou sur l’autel, afin de produire plus facilement cet acte de foi, a finalement très peu d’importance.Nous le voyons donc, le problème rencontré à l’adoration n’est pas d’ordre théologique, mais simplement psychologique. Il n’y a pas d’opposition entre l’adoration eucharistique et l’oraison.

Par conséquent, les âmes d’oraison peuvent, sans scrupule aucun, faire oraison devant le Très Saint Sacrement exposé sur l’autel. Elles n’ont pas besoin de regarder Notre-Seigneur, qu’elles ne peuvent d’ailleurs voir avec leurs yeux de chair, mais peuvent se recueillir en toute liberté, comme elles ont l’habitude de le faire, que ce soit en fixant leur attention sur une image mentale de Notre-Seigneur ou en se focalisant sur sa présence localisée dans leur cœur.Par l’acte de foi théologale, elles vont rejoindre leur Bien-Aimé là où il est,dans leur cœur et sur l’autel, et peuvent s’unir à lui en toute simplicité. Qu’elles ne se privent donc plus de l’adoration eucharistique, qui est, selon l’enseignement de saint Jean-Paul II, la première de toutes les dévotions, après les sacrements, « la plus chère à Dieu et la plus utile pour nous » (Ecclesia de Eucharistia, no 25).

Article paru dans La Lettre aux Amis des frères Carmes, Province d'Avignon-Aquitaine de décembre 2018