" Debout! Resplendis, car voici ta lumière et sur toi se lève la gloire du Seigneur... A cette vue, tu seras radieuse, ton cœur tressaillira et se dilatera... " (Is 60,1-5)
Considérons quelques instants la Sainte Vierge au jour de la Résurrection. Il nous paraît certain que Notre Seigneur s'est manifesté à elle: son Fils ressuscité a voulu qu'elle participe à sa joie et à son triomphe. Nous l'avions laissée, au soir du Vendredi Saint et dans la journée du Samedi Saint, plongée dans une souffrance dont nous pouvions à peine avoir l'idée. Oh! elle restait noble et sereine! Elle apparaissait grande sous l'action de cette souffrance, sous l'action surtout de la parole substantielle de Jésus: sur le Calvaire, il avait consacré sa maternité, maternité divine devenue maternité de grâce du Corps mystique du Christ, et de toute l'humanité régénérée. Elle était grande, mais combien douloureuse! nous avons essayé de le comprendre.
Dans cette souffrance, dans cette mer de douleurs qui essayait comme de l'ensevelir dans ses flots amers, nous découvrions une flamme: la petite flamme de l'espérance, mais d'une espérance forte et grande, qui animait la Vierge et déjà, en elle, animait le Corps mystique du Christ. Auprès de la croix, auprès de Jésus mort et enseveli, Marie restait l'unique espérance, une espérance vivante, une espérance qui reposait dans la fécondité d'une mère toujours vivante.
Et voici qu'aujourd'hui Jésus est ressuscité, il se manifeste à elle. Quelle joie! Au jour de la Visitation, elle avait chanté: Mon âme glorifie le Seigneur, et mon esprit et toute mon âme et tout mon être tressaillent de joie. Quel tressaillement au jour de la Résurrection! tressaillement de son âme, de son espérance qui maintenant saisissait son objet, tressaillement de tout son être. Oui, elles étaient vraies, les paroles de l'ange à l'Annonciation. Ce fils qu'elle avait engendré, était bien le Fils de Dieu, il était bien le Messie; on l'avait fait mourir, car il fallait qu'il passe par la souffrance et par la mort; et maintenant il était vivant, il était ressuscité. Il était bien le Roi qu'on lui avait promis; il était vraiment cet Homme-Dieu, à la taille humaine incomparable, à laquelle s'ajoutait toute sa taille divine transcendante.
La Vierge Marie tressaillait de joie, elle tressaillait aussi d'espérance. Saint Jean de la Croix parle des réveils du Verbe dans l'âme. Voici un de ces réveils du Verbe qui paraît endormi et qui s'éveille dans l'âme, sous la flamme et le souffle de l'Esprit- Saint. Il se chante lui-même, il tressaille lui-même, et fait tressaillir non seulement l'âme spirituelle et la grâce, mais aussi le corps. Il en est déjà ainsi quand la source de cette joie est spirituelle: elle se répand jusqu'aux confins extrêmes de l'être et de la personne. Et ici, ce n'était plus seulement un rayonnement dans le corps et dans la chair de Marie; sa chair elle-même tressaillait, dans la vue, le contact et l'embrassement pourrions-nous dire, de la chair et du corps de l'Homme-Dieu, son Fils.
Voilà la joie de la Sainte Vierge, son tressaillement, cette fête de l'Esprit-Saint en tout son être. Et tout cela se passait dans une sérénité extérieure, une pureté, une beauté qui était déjà du ciel.
Et une espérance s'ajoutait encore, ou plutôt une réalité de maternité spirituelle, qui entrait déjà en action. Ce Christ ressuscité répandait la vie; de lui jaillissaient à flots la lumière et la vie, avec une puissance incomparable. Cette vie allait jaillir jusqu'à ce que le Christ ait construit, par ce jaillissement même, tout son Corps mystique.
" C'est lui, la pierre", source d'eau vive; et ce Christ répandu, dilaté, allait continuer à grandir, jusqu'à la taille que Dieu avait voulue de toute éternité. Jésus avait demandé avant sa mort: Ô Père, donnez-moi cette gloire que j'avais dans votre sein avant que le monde fût, faites-moi tel que vous m'avez vu (Jn 17,5). La pensée du Père, son décret éternel commençait à se réaliser. La Vierge Marie voyait déjà tout cela, elle sentait la puissance de cette vie, sa force rédemptrice et purificatrice, son efficacité unissante.
En voyant ce flot de vie qui jaillissait de toute l'humanité de Notre Seigneur, elle sentait en même temps combien elle était associée à cette fécondité. Là encore, la Trinité Sainte avait besoin d'une mère. Marie avait été mère, au jour de l'Annonciation, elle était devenue la mère de Dieu pour faire l'Homme-Dieu, pour que se réalise l'union hypostatique. Et elle sentait bien maintenant qu'elle était mère plus que jamais. Sa maternité s'étendait désormais au Corps mystique du Christ, à l'Église qui allait se construire.
Cette maternité qui s'épanouissait en elle à la mesure de l'Église, elle la sentait en puissance, elle la sentait en action; ainsi, elle se dilatait à la mesure de la pensée de Dieu.
Saluons cette maternité spirituelle de la Sainte Vierge, saluons la Mère de Vie, saluons Notre-Dame de Vie. La voici, dans sa fécondité, dans sa beauté immaculée et sa pureté, mais en même temps dans sa maternité. C'est à Notre-Dame de Vie, à la Sainte Vierge dans sa maternité spirituelle, qu'iront aujourd'hui notre prière, notre louange filiale et notre affection.
Et vous demanderez à la Sainte Vierge, à Notre Dame de Vie, qu'elle soit pour chacun d'entre vous Mère de Vie, qu'elle le soit pleinement, que sa fécondité se réalise complètement, à la mesure non seulement de nos désirs, mais du dessein de Dieu.
(Bienheureux Marie-Eugène de l'Enfant-Jésus)