dimanche 13 septembre 2020

L'impossible pardon - homélie du 24e dimanche TO A

Crucifixion
L’Évangile de ce jour (Mt 18, 21-35) peut être considéré comme un commentaire de la 5ème béatitude "Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde." Mais force est de constater que la miséricorde va à l'encontre de notre nature humaine déchue.

Spontanément quand nous subissons une offense, nous avons tendance à garder du ressentiment voire de la rancune. Bien souvent nous sommes confrontés à nos limites, dans notre capacité à pardonner à ceux qui nous offensent ou qui objectivement nous ont fait du mal. Jésus, en nous demandant de pardonner 70 fois 7 fois, nous appelle à ne pas mettre de limites au pardon : à être miséricordieux comme Dieu est miséricordieux. Œuvre impossible sans le secours de la grâce divine. C’est peu de le dire, nous rencontrons la plus grande difficulté et la plus grande réticence à être comme le roi de la parabole qui, saisi de compassion, remit la dette à son serviteur.

Pourtant il nous faut absolument demander à Dieu de nous aider à surmonter cette réticence, sinon nos cœurs risquent de devenir si fermés que finalement la miséricorde du Christ ne pourra tout simplement pas y entrer. Autrement dit, si le cœur est fermé envers un pardon à donner, il risque fort d’être également fermé au pardon à recevoir de Dieu. Ce que nous récitons dans le Pater : « Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés », signifie que, pour que notre cœur soit pleinement ouvert à recevoir la miséricorde de Dieu, il faut qu’il soit ouvert sur un pardon à accorder. Dans les situations les plus épouvantables, le pardon est un chemin très long, qui demande de la patience ; car seule une grâce surnaturelle peut donner la force de pardonner.

C’est la grande question de comment pardonner des actes "impardonnables". Seules de longues méditations du pardon que Jésus nous accorde par sa Croix glorieuse peuvent nous ouvrir petit à petit à ce pardon.
Je vous propose 2 témoignages de pardon dans des situations particulièrement dramatiques.
Le 1er exemple remonte au début du siècle passé, c’est l’histoire de sainte Maria Gorretti , cette jeune fille de la campagne romaine. Elle était âgée de 12 ans quand, résistant aux violences de son voisin, Alessandro 17ans, elle fut sauvagement frappée de 14 coups de poinçon. On l’emmène à l’hôpital dans de terribles souffrances où elle vivra ses derniers instants. On fait entrer un prêtre dans sa chambre et le visage de Maria s’éclaire quand elle le voit.
- « Vous m’apportez Jésus ?, parvient-elle à murmurer.
- Oui, Maria. Mais d’abord, dis-moi une chose : comme Notre Seigneur Jésus a pardonné à ses bourreaux, pardonnes-tu à celui qui t’a infligé ces coups ? Pardonnes-tu à Alessandro ? »
La fillette a un imperceptible mouvement de recul, une courte hésitation en se remémorant la violence de la scène, les gestes, les menaces et les coups. Puis la paix revient sur son visage :
- « Oui, dit-elle, pour l’amour de Jésus, je lui pardonne et je veux qu’il soit un jour avec moi dans le Paradis. Que Dieu lui pardonne car moi, je lui ai déjà pardonné. »
Elle reçoit alors, avSainte Maria Gorettiec joie et ferveur, la communion et le sacrement de l’extrême-onction.
L’histoire ne s’arrête pas là.

Aors qu’Alessandro était en prison depuis quelques années, et qu’il était un prisonnier très difficile, l’évêque du diocèse, vient le voir pour demander à Alessandro s’il savait que Maria lui avait pardonné.
Il sursaute et écoute l’évêque lui dire les dernières paroles de Marie : « Pour l’amour de Jésus, je lui pardonne et je veux qu’il soit avec moi au Paradis. » Le prisonnier se met à pleurer de toutes ses larmes, se confesse et reçoit l’absolution.
Après cette visite, l’attitude d’Alessandro change du tout au tout, il devient un prisonnier modèle, et il se met à prier et à lire la Bible.

Après 27 ans de prison, Alessandro est libéré, et il se rend immédiatement au presbytère où la maman de Maria est gouvernante, c’était juste avant Noël. Il sonne à la porte et demande :
- Assunta, me reconnaissez-vous ? » Après un temps de silence,
- Alessandro, dit-elle.
- Il continue en disant : Ma rédemption ne sera pas complète si je n’obtiens pas votre pardon. Assunta, pourrez-vous un jour me pardonner ? - Mon enfant, répond la maman, ma Marietta t’a pardonné, le Bon Dieu t’a pardonné... Je te pardonne, moi aussi. Ils communient ensemble à l’église, le jour de Noël, avant de partager le repas chez l’archiprêtre.
Maria Goretti fut canonisée en 1950, devant une foule impressionnante et en présence de sa maman. Quant à Alessandro, il finit sa vie comme jardinier d’un couvent des capucins à 87 ans, de manière très édifiante.

Le 2e témoignage est plus récent et encore plus dramatique. C’est celui d’Immaculée Ilibagiza.
Cela se passe en 1994 au Rwanda, lors du génocide des Tutsis par les Hutus qui a causé environ 800 000 morts.
Immaculée Ilibagiza avait 22 ans quand elle a survécu au massacre de toute sa famille, qui a été tuée à coups de machette pendant ces horreurs. Les assassins sont revenus à plusieurs reprises et elle a pu se cacher avec d’autres jeunes filles dans la minuscule salle de bain d’un pasteur hutu, où elle est restée pendant plusieurs semaines.
Elle témoigne comment sa foi l’a aidée à traverser
Immaculée Ilibagiza
cette épreuve abominable. «J'étais totalement immergée en Dieu», dit-elle. "J'ai vu Jésus, je l'ai vu sur la Croix. Je saisis ses jambes dans mon imagination." Elle précise que la prière du chapelet lui a sans doute évité de perdre la raison.
Quand elle est sortie de sa cachette, en voyant le carnage, elle témoigne qu’elle brûlait de haine, et elle précise que quand vous êtes si révoltés et que vous en voulez tant à Dieu, le démon vient encore augmenter la colère et la haine à leur plus haut niveau.
Mais un jour elle a réalisé qu'elle n'était pas honnête lorsqu'elle priait: « Notre Père, pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ». Elle n’arrivait pas à le dire, elle grinçait des dents. «Seigneur, ne me demandez pas de prier pour eux».

Puis après des mois de méditation sur la souffrance, et aussi les paroles de Jésus sur la Croix, elle fut libérée de la colère, et la grâce de pardonner lui fut accordée au moment de la prière. A travers de nombreuses conférences, elle témoigne aujourd’hui combien le pardon est important, puisqu’une colère extrême peut conduire à l’auto-destruction d’une personne.
Elle explique que le pardon ne concerne pas seulement l’auteur de l’offense, mais que il libère aussi son propre cœur. « Quand nous sommes en colère, nous gardons en nous quelque chose de physique, qui nous ronge et peut nous détruire. » Dans ses livres elle explique combien le pardon est en lien avec la Passion et la Résurrection du Seigneur, et combien le pardon peut permettre comme un retour à la vie, une renaissance et une rédemption de la personne.

Puisse donc l’intercession de sainte Maria Goretti et des saints d’hier et d’aujourd’hui nous faire avancer sur le chemin du pardon.