dimanche 13 décembre 2020

Homélie du 3e dimanche de l’Avent

La liturgie nous invite à écouter en ce dimanche l’évangéliste Jean qui nous informe que Jean le Baptiste est le témoin du Christ par excellence. Un témoin est celui qui a vu et entendu quelque chose et qui le rapporte fidèlement à d’autres qui n’ont ni vu, ni entendu. Ainsi, pour attester en vérité qui Il est, Jésus a besoin de témoins. Et dans son témoignage Jean-Baptiste n’est pas un « rabat-joie » mais vraiment celui qui prépare le chemin de la joie véritable.

Alors, c’est vrai que dans sa manière d’être Jean le Baptiste peut nous apparaître austère : il n’est pas vêtu d’habits somptueux et il se contente d’une nourriture très frugale. Il se tient en dehors du système de consommation de son temps et il puise sa joie ailleurs, que dans ce qui nous complique bien souvent l’existence.

Dans son attitude, Jean se présente comme une simple voix qui crie dans le désert. Il n’attire pas à lui, mais il attire l’attention sur celui qui doit venir. Enfin tout le désir de Jean se porte sur la venue de l’époux. Il dira lui-même : « C’est ma joie, et j’en suis comblé » (Jn 3,29)

Alors, voilà donc bien le paradoxe de Jean-Baptiste : le prophète austère et presque sauvage exerce sa mission dans un climat de joie…

Alors quel est le secret de la joie de Jean-Baptiste ?

Notre évangile répond en grande partie à cette question. Jean-Baptiste se réjouit d’être un simple témoin et un témoin qui veut s’effacer devant celui qui arrive. On voit chez lui une tension extraordinaire entre la grandeur de celui qu’il annonce et sa volonté de rester à distance. Jean se présente simplement comme « la voix qui crie dans le désert » et cette voix affirme que le Messie est déjà présent : « Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas : c’est lui qui vient derrière moi, et je ne suis pas digne de défaire la courroie de sa sandale ».

Malgré l’annonce qu’il fait de la présence du Messie au milieu de nous, des obstacles encombrent son chemin. Et l’épisode que nous venons d’entendre ce matin en est l’illustration. La délégation envoyée auprès de Jean nous montre le décalage dans le dialogue entre ces prêtres et ces lévites et l’humilité du Baptiste. Son témoignage déçoit les envoyés, car les juifs attendent un Messie qui viendrait satisfaire leurs désirs de libération et de prestige. Or Jean-Baptiste contrarie les ambitions humaines et les rêves de toute-puissance.

C’est pour nous aujourd’hui, un premier enseignement. Nos désirs ont souvent besoin d’être purifiés. Il y a des idées sur Dieu qui font parfois obstacle à une véritable rencontre de Dieu. L’homme se fabrique parfois une image de Dieu pour être rassuré devant les difficultés de la vie et devant ses attentes trop intéressées ; l’envie de posséder fait souvent obstacle à une vraie rencontre avec le Dieu vivant.

À l’inverse, Jean-Baptiste trouve sa joie dans un désir toujours renouvelé : « Il est ravi de joie à la voix de l’époux » (Jn 3,29). Le secret de la joie de Jean-Baptiste est du côté de son immense désir. C’est un désir qui ne cherche pas sa propre satisfaction, mais reste toujours disponible pour un don toujours plus grand. Et le plus grand renoncement que Jean-Baptiste va opérer, c’est d’aller jusqu’à renoncer à jouir de la présence du Christ. Jean-Baptiste reste sur le seuil pour mieux nous montrer le chemin de la nouvelle alliance, celle de la joie parfaite : celle de vivre avec le Christ et d’écouter sa voix.

La joie de Noël nous invite à passer par une certaine expérience de pauvreté et même de renoncement à l’école du Baptiste.

À Bethléem, Dieu va venir comme un pauvre et il nous faut un cœur de pauvre pour nous réjouir avec Marie, Joseph et les bergers. C’est à des personnes dépourvues de prestige et d’ambition que Dieu se révèle. Dans son Magnificat, la Vierge Marie laisse déborder sa joie devant la merveille du salut qui se réalise par elle et en elle.

La prophétie d’Isaïe que nous avons entendue dans notre 1e lecture s’adresse à un peuple pauvre car c’est un peuple qui traverse l’humiliation de l’exil. Un peuple qui a été arrogant et insouciant avant sa chute et qui devient progressivement plus docile et disponible à l'oeuvre de Dieu.

Alors le Seigneur ne va pas répondre par des prodiges comparables à ceux de l’exode, mais par l’annonce des noces, la grâce d’une rencontre dans sa forme la plus parfaite et dont la fécondité sera manifeste et universelle devant toutes les nations. Comment ne pas nous réjouir devant la fécondité des noces de Jésus avec son Église et qui se poursuit depuis des siècles.

Dans la seconde lecture, Paul nous invite à beaucoup de réalisme en nous invitant à la joie : « Priez sans relâche, rendez grâce en toutes circonstances ». Cela nous entraîne à renoncer à nos désirs et nos petits projets pour mieux accueillir la venue du Seigneur. « N’éteignez pas l’Esprit, ne repoussez pas les prophètes, mais discernez ». Quand nos désirs sont contrariés, surtout lorsqu’ils nous paraissent très légitimes, nous ne devrions pas nous révolter mais entrer dans une écoute plus profonde de ce que le Seigneur veut dire à travers ce qui nous semble un obstacle. Car notre projet ou notre désir mal orienté peut être un obstacle sur le chemin du Seigneur.

Alors, finalement, « rendre grâce en toutes circonstances » est très certainement un bon moyen d’ « aplanir le chemin du Seigneur » comme nous le montre Jean-Baptiste par son humilité. Et l’humilité est, l’humus, la terre sur laquelle la joie de l’Esprit donne beaucoup de fruits.

En ces jours où nous nous préparons à célébrer Noël, demandons au Seigneur la grâce d’entrer pleinement dans la joie du Précurseur afin d’accueillir de notre mieux l’Enfant Dieu de Bethléem. Amen. 

Fr. JMJ