dimanche 29 mai 2022

Homélie du dimanche 29 mai 2022 – 07 TP

Ac 7,55-60 – Ps 96 - Ap 22,12-14.16-17.20 - Jn 17,20-2

Frères et sœurs, c’est un passage d’évangile très émouvant que nous proclamons ce dimanche. Jésus prie pour l’unité. Je retiendrai 3 points pour notre méditation ce matin :

29 mai 2022 – 07 TPTout d’abord, l’unité à laquelle les hommes sont tous appelés dans le Christ, puis l’unité de l’Eglise, enfin notre unité intérieure.

Jésus, la veille de sa mort, prie pour l’unité. Pourquoi à ce moment-là et de manière si insistante ? De quoi s’agit-il précisément ? Il ne propose pas une simple absence de divisions, ni une harmonie ou une concorde sociale à la manière humaine, même si cela constitue un bon début. Jésus parle d’une réalité beaucoup plus profonde que cela. Dieu est Un. Il n’est pas individuel et solitaire, il est Un parce qu’il réalise parfaitement l’unité de personnes distinctes mais totalement liées dans l’amour. Aucune de nos réalités humaines ne peut rendre compte de cette unité et de cet amour, même si toutes sont appelées à s’en inspirer. Jésus est parfaitement uni au Père dans l’Esprit ; par lui et en lui, nous sommes appelés à entrer dans cette communion parfaite. Nous n’y sommes pas appelés seuls, chacun pour son compte : tous les hommes de tous les temps y sont conviés, si bien que nous ne formons, au-delà des apparences, qu’un seul corps…

C’est ce que la liturgie reprend dans la 3e Prière eucharistique :

« Quand nous serons nourris de son corps et de son sang, et remplis de l’Esprit-Saint, accorde-nous d’être un seul corps et un seul esprit dans le Christ ».

Nous découvrons en nos frères non seulement l’image de Dieu, mais un membre de ce corps que nous formerons en plénitude dans le Christ, à la fin des temps, et que nous formons déjà mystiquement lorsque nous vivons cette réalité. C’est tout cela qu’enseigne le Christ aux apôtres dans l’intimité du Cénacle, comme un testament spirituel.

Cette unité profonde n’est pas une sympathie, un lien, c’est beaucoup plus profondément le partage de la même vie, puisée éternellement à la même source, le Christ. Ce n’est donc pas un sentiment, l’adhésion commune à une croyance, mais la participation à une même nature, une même essence, celle de l’humanité transfigurée en Jésus-Christ. Car cette union, nous ne pouvons la réaliser par nous-mêmes, c’est le Christ, unique médiateur, qui nous donne d’être vraiment unis au Père et vraiment frères au sens spirituel du terme.

29 mai 2022 – 07 TP

Le texte d’aujourd’hui nous interroge donc doublement. Dans notre relation à Dieu d’abord. Ai-je le désir de ne faire qu’un avec Dieu, pas seulement de vivre en sa présence, mais d’être uni définitivement et irrévocablement à lui ? La théologie nous enseigne que les personnes de la Trinité n’ont pas d’action propre « ad extra », elles agissent toujours ensemble. Jésus a totalement fait la volonté du Père. Il ne s’est rien réservé et c’est pour cela qu’il peut être glorifié. Est-ce ainsi que je souhaite vivre avec Dieu, ou bien je me réserve une certaine distance pour garder mon autonomie ? Qu’est-ce que je n’ai pas encore donné à Dieu, qu’est-ce que je lui refuse ?

Notre relation aux autres est totalement conditionnée par cette vision des choses. Dieu m’a appelé à vivre en union avec lui, en Jésus, et il a aussi appelé tous mes frères à la même réalité spirituelle. Dans

l’éternité bienheureuse, je ne ferai plus qu’un, non seulement avec ceux que j’ai aimés, mais avec tous les hommes de tous les temps. C’est une perspective extraordinaire mais qui demande, dans cette vie, une véritable conversion. C’est dans le Christ que nous serons un. Est-ce que j’aime mes proches « dans le Christ », c'est-à-dire, d’un véritable amour qui vient de lui, qui n’est basé ni sur une origine commune, le sentiment, l’attirance, le profit personnel, le confort d’une affection purement humaine ? Est-ce que je les aime pour moi-même ou dans le respect de la présence de Dieu en eux ?

Dans le mariage, la relation filiale ou fraternelle, dans l’amitié, je suis appelé à découvrir avant tout un frère qui est en route avec moi vers la gloire de Dieu ; il a été créé d’abord pour Dieu, comme moi. Est-ce que ma manière de me comporter avec mon conjoint, mes enfants, mes proches, mes frères de communauté, est empreinte de cette vision et respecte profondément le mystère de leur relation au créateur et le projet d’amour de Dieu sur eux ? Je suis en route vers le Ciel. Sur ce chemin, j’ai la joie d’être accompagné par des personnes proches mais il y a aussi, tout autour, une foule d’autres frères en marche vers moi, que je n’ai pas expressément choisis mais que Dieu m’a donnés comme compagnons de route. Est-ce que j’ai le cœur ouvert aux inconnus, aux malheureux ? Je n’ai pas à décider parmi eux qui me plaît et qui me déplaît. Ils sont tous mes frères. Tous ceux qui entrent dans ma vie, même ceux qui me persécutent, me sont mystérieusement donnés par Dieu. Est-ce que je les reçois comme tels ? Est-ce je sais supporter, pardonner, prier pour eux, dans l’espérance de partager un jour avec eux la vie de Dieu, dans une relation purifiée ? Ai-je des préventions manifestes contre certains frères, certains groupes humains, sociaux, religieux ou ethniques ? Dans le Christ, cela n’est pas possible… Cette conscience de l’unité du genre humain est à la base de l’évangélisation et a pu conduire certains hommes à donner leur vie.

Unité de l’Église

Au soir de sa vie, Jésus prie tout particulièrement pour l’unité des croyants. Non pas parce que l’Église constituerait une élite privilégiée, et que Jésus ne s’intéresserait pas aux autres, mais parce qu’elle est le noyau primordial de la communion universelle, une réalité ouverte, appelée à s’étendre à toute l’humanité. Il est émouvant d’entendre Jésus prier pour les croyants des temps à venir : à cet instant-là, il nous a tous embrassés du regard : il a pensé à vous et à moi, à chaque homme, à chaque femme. Il a prié le Père pour que nous restions unis. Comment répondons-nous à cet appel ? Avons-nous à cœur de garder l’unité dans nos familles, nos communautés ? Cela est essentiel. Quoi que nous ayons souffert, et ce peut être très lourd parfois, nous sommes appelés à pardonner et, si possible, à retisser la relation.

Nos querelles ont souvent pour source l’orgueil ou l’intérêt matériel. C’est un contre-témoignage manifeste pour le monde. De même nos critiques des frères chrétiens séparés ou de la hiérarchie de l’Église. À chaque fois que nous nous y prêtons, nous faisons obstacle à cette prière du Christ pour l’unité. En tombant dans ce piège, nous faisons le jeu de Satan, qui sort renforcé de nos divisions. Nous pouvons avoir des différends, il ne s’agit pas de le nier. Mais nous devons davantage prier et garder le lien de la charité et de l’unité. Comme nous y exhorte saint Paul : « Ayez même sentiment ; vivez en paix, et le Dieu de la charité et de la paix sera avec vous » (2Co 13,11). Le thème de l’Évangile, l’unité, et la scène des

Actes, le martyre d’Étienne, nous suggèrent naturellement de méditer sur ces nombreux chrétiens qui ont donné leur vie pour l’unité de l’Église, comme martyrs pour la communion ecclésiale…

Dans l’optique de cette communion ecclésiale, le pape François utilise souvent une nouvelle expression : « l’œcuménisme du sang ». Les persécutions modernes touchent tous les chrétiens, quelle que soit leur confession ; le sang versé par chacun n’appartient pas à une chapelle ou une dénomination, mais il s’unit dans un seul témoignage éclatant d’amour envers le Christ, qui transcende les divisions entre nous.

L’histoire de l’Église est parsemée de querelles théologiques qui ont parfois servi de prétextes à d’épouvantables violences ; mais si nous fixons notre attention sur cet œcuménisme du sang, nous découvrons une communion réelle qui remet à leur juste place les débats théologiques : l’amour de la vérité ne doit pas conduire à l’idéologie, mais être au service de la communion…

Unité intérieure.

29 mai 2022 – 07 TP

Enfin, frères et sœurs, j’aborde mon 3e point : notre unité intérieure.

Si tant de Saints ont œuvré pour l’unité de l’Église, et si les martyrs donnent la preuve suprême de leur attachement au Christ, c’est qu’ils sont d’abord habités par Lui, et que l’Esprit a accompli en leur personne une œuvre admirable d’unification. Ainsi se réalise la parole de Jésus que nous venons de proclamer : « Pour que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux, et que moi aussi, je sois en eux » (Jn 17,26). La force qui soutient Étienne lors de son martyre le montre bien : c’est le Christ qui revit en lui sa Passion. Cela nous renvoie à l’importance d’une autre unité, celle de l’homme intérieur. Nous naissons avec la brisure du péché originel, qui introduit une division profonde en notre être. Saint Paul l’exprime ainsi : « Je ne fais pas le bien que je veux et commets le mal que je ne veux pas » (Ro 7,19) ; l’Esprit se met donc à l’œuvre en notre âme, pour nous conduire à Dieu, en reconstituant l’unité perdue pour que nous apprenions à aimer en vérité. Le chemin de l’unité est simple : le respect des commandements, non pas les nôtres ou ceux de la société, mais ceux de Dieu qui nous apprennent comment aimer, et nous conduisent à la pratique des vertus.

Un dernier aspect de la prière de Jésus mérite d’être médité : la gloire. « Père, ceux que tu m'as donnés, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi, afin qu'ils contemplent ma gloire » (Jn 17,24) : la gloire que nous contemplerons au Ciel ne sera pas « seulement » celle de Jésus, mais aussi des martyrs et des saints. Ce sera aussi la nôtre. Nous nous réjouirons de cette parfaite communion d’amour, héritage des bienheureux.

Ecoutons saint Thomas d’Aquin la décrire : « La vie éternelle consiste [aussi] dans la société pleine de charmes de tous les bienheureux. Les délices de cette société seront extrêmes. Chaque élu, en effet, possédera, avec les autres bienheureux, tous les biens ; car il aimera chacun des bienheureux comme lui-même ; c’est pourquoi il se réjouira du bien des autres comme de son bien propre. Aussi l’allégresse et la joie de tous les élus s’augmenteront-elles de la joie et de l’allégresse de chacun d’entre eux. »

Alors, frères et sœurs, une semaine nous sépare de la solennité de la Pentecôte où l’Esprit Saint viendra à nouveau raviver ses dons en chacun de nous. Préparons nos cœurs durant cette semaine par de petits actes très concrets de charité fraternelle afin que notre union au Christ s’approfondisse en nous pour notre sanctification personnelle, pour le bien de toute l’Eglise et pour le monde. Amen.

Fr. JMJ