mardi 4 décembre 2018

Méditation de ste Edith Stein sur l'Avent et sur l’Église

Carmes Fribourg
Dans les sombres jours de décembre, brille la douce lumière des bougies de l'Avent, une lumière pleine de mystère dans une obscurité mystérieuse, qui éveille en nous la pensée consolante que la lumière divine, l'Esprit Saint, n'a jamais cessé de briller dans les ténèbres du monde déchu. Il est resté fidèle à sa création malgré toutes les infidélités des créatures. Et même si les ténèbres n'ont pas voulu se laisser envahir par la lumière céleste, il s'y est cependant toujours trouvé quelques lieux où elle était accueillie et pouvait briller.

Un rayon de cette lumière pénétra les cœurs de nos premiers parents, à l'heure même où le jugement les frappait. Un rayon lumineux qui éveilla en eux la conscience de leur faute; un rayon brûlant qui les enflamma et déclencha l'ardente douleur du repentir, les affinant et les purifiant, et les rendit capables d'accueillir la douce lumière de l'étoile de l'espérance qui rayonna à leurs yeux dans les promesses du Protévangile.
Il s'est toujours trouvé au cours des temps des cœurs humains qui, comme les cœurs des premiers hommes, se laissèrent toucher par la rayonnante clarté de Dieu. Cachée aux yeux du monde, elle les illumina et les enflamma, elle attendrit la matière dure, encroûtée et déformée de ces cœurs et la remodela à l'image de Dieu avec une douce main d'artiste. A l'insu de tout regard humain, les pierres vivantes ont été ainsi formées, et le sont encore, avant d'être assemblées en vue de l'édification d'une Église tout d'abord invisible. De cette Église invisible surgit et grandit l’Église visible à travers des actions et des manifestations de Dieu toujours nouvelles qui projettent au loin leur éclat, des épiphanies toujours neuves.

L'action silencieuse de l'Esprit Saint au plus intime de l'âme des patriarches en a fait des amis de Dieu. Mais quand ils en furent arrivés à s'abandonner à lui comme des instruments dociles, il les employa à une œuvre extérieure dont l'efficacité était visible, il dirigea par leur intermédiaire le cours de l'histoire et il suscita à partir d'eux son peuple élu. De même, Moïse fut d'abord formé dans le silence avant d'être envoyé comme chef et législateur.
Carmes Fribourg
Ceux que Dieu utilise comme instruments ne sont pas nécessairement tous formés de cette manière. Des hommes peuvent servir Dieu à leur insu ou même contre leur gré; éventuellement des hommes dont l'appartenance à l’Église n'est ni extérieure ni intérieure. Ils sont alors employés comme le marteau ou le burin de l'artiste, ou encore comme la serpe avec laquelle le vigneron taille les sarments. Chez ceux qui appartiennent à l’Église, l'appartenance extérieure peut précéder dans le temps l'appartenance intérieure, et même la conditionner en pratique (une personne baptisée sans avoir la foi peut ensuite être amenée à la foi par sa vie d'appartenance extérieure à l’Église).

Mais c'est la vie intérieure qui est le fondement ultime: la formation se fait de l'intérieur vers l'extérieur. Plus une âme est profondément attachée à Dieu, plus elle est totalement abandonnée à la grâce, plus forte sera son influence sur l'édification de l’Église. Inversement: plus une époque est plongée dans la nuit du péché et de l'éloignement de Dieu, plus grand sera son besoin d'âmes unies à Dieu. Et Dieu ne les laisse d'ailleurs pas manquer. De la nuit la plus obscure surgissent les plus grandes figures de prophètes et de saints. Mais le courant de la vie mystique qui façonne les âmes reste en grande partie invisible. Certaines âmes dont aucun livre d'histoire ne fait mention, ont une influence déterminante aux tournants décisifs de l'histoire universelle. Ce n'est qu'au jour où tout ce qui est caché sera manifesté que nous découvrirons aussi à quelles âmes nous sommes redevables des tournants décisifs de notre vie personnelle.

(Extraits de Source Cachée)