Le prophète Saint Elie |
- "Il est vivant le Seigneur en présence de qui je me tiens !". Le Carmel, c'est faire l'expérience du Dieu vivant, d'une rencontre dans le secret du cœur, dans la prière silencieuse. C'est la dimension contemplative de notre vocation.
- "Je brûle de zèle pour le Seigneur Dieu des Puissances !". Le Carmel, c'est être dévoré du désir d'amener les autres à la découverte de ce Dieu vivant qui est venu bouleverser notre propre vie. C'est la dimension apostolique de notre vie.
Que peuvent bien faire les frères carmes tout au long de leur journée ? En les approchant, tu découvriras des êtres de chair et de sang, ni meilleurs ni pires que les autres, qui mangent, boivent, dorment, travaillent, souffrent et rient, comme tout le monde. Comme tout le monde, oui. Et pourtant si différemment ! Car si pour eux tout est pareil, tout cependant se passe autrement : du matin au soir et du soir au matin, Dieu est là tout proche, perçu dans la foi pure, invisible mais inséparable compagnon de chemin. Dieu regardé, aimé, servi. "Que chacun demeure seul dans sa cellule ou près d'elle, méditant jour et nuit la Loi du Seigneur" nous dit la Règle du Carmel, invitant à vivre sans cesse ce cœur à cœur, cet écoute seul à seul de Celui dont on se sait aimé.
Comment vivent les carmes ?
On pourrait répondre en reprenant trois dimensions essentielles de leur vie :
- en veillant dans la prière silencieuse : Au Carmel, un grand prix est attaché au silence et à la solitude. Un silence pour une rencontre, pour garder son cœur à Dieu, à travers les engagements, les activités apostoliques mêmes, comme une prière qui se continue, une amitié que rien ne peut briser. Chaque jour, les frères se retrouvent ensemble pour deux fois une heure (le matin et le soir) de prière silencieuse, appelée oraison. Rassemblés dans une même chapelle, ils prient là en silence, dans le secret de leur cœur, pour se tourner et se laisser habiter par le Seigneur qui les a appelés à écouter son Fils. "Je ne vous demande qu'une seule chose, Le regarder" nous dit notre Mère Sainte Thérèse d'Avila. Et Saint Jean de la Croix ajoute: "Regarde Le seulement parce que je t'ai tout dit et révélé en ma Parole qui est mon Fils, vous le donnant pour frère, compagnon, maître, prix et récompense". Ces deux heures d'oraison réorientent la vie du Carme vers l'essentiel, le préservant de l'agitation fébrile, entretenant l'attention amoureuse du cœur pour le Bien Aimé.
- en communauté fraternelle : Les Carmes vivent dans un couvent, récitant au mêmes heures les offices liturgiques qui les rassemblent dans la chapelle, partageant les repas au réfectoire, se retrouvant lors des chapitres (réunions de communauté) pour revivifier leur vie et discuter des projets de la maison, ou encore lors des temps de détente chaque jour, appelés récréations. Solitude et vie commune sembleraient devoir s'exclure. Il en résulte au contraire un heureux équilibre de vie. La vie communautaire est un excellent antidote au risque de repli sur soi, à la menace de l'égocentrisme, et elle offre le moyen de vérifier en permanence l'authenticité du don de soi, la qualité de la charité fraternelle.
- dans un climat marial : Marie est "reine est beauté du Carmel". Depuis toujours, les anciens Carmes ont senti en Marie la mère, la sœur, l'amie, le modèle. Marie, silencieuse, "méditant toutes ces choses en son cœur". Marie, mère de vie, donnant Jésus au monde sans bruit. Marie sur les routes partant aider sa cousine Élisabeth, ou invitant à faire tout ce que dit Jésus à Cana, modèle de l'apôtre. Oui, le Carmel est bien "tout entier marial".
Notre Dame du Mont Carmel |
Même si les horaires varient d'une communauté à une autre, d'un pays à l'autre, le contenu essentiel est partout jalousement conservé : la prière avant tout !
- L'eucharistie est chaque jour pour le Carme sa plus intime oraison. C'est le lieu communautaire privilégié où, ensemble, on reçoit tout, on donne tout. C'est là que vraiment se construit la communion de tous. Toutes les divergences humaines sont à ce moment-là comme fondues dans un plus grand amour.
- L'office divin, c'est la prière qui monde vers Dieu, comme un encens, de tous les points du monde. Elle jalonne les heures du jour. Depuis les laudes chantées au petit matin, jusqu'aux complies de la nuit, il n'est d'espace de temps qui ne soit habité par la prière.
- L'oraison, prière complètement silencieuse, une heure matin et soir, attention amoureuse et paisible au mystère du Dieu vivant. C'est l'heure où le cœur du Carme, avec toute sa faiblesse, toutes ses blessures, toute sa confiance aussi, s'ouvre à la tendresse de son Père des Cieux. Heure de l'amitié intime avec Jésus, heure où sans que l'on s'en aperçoive, la grâce pénètre l'âme, la purifie et la transforme lentement.
- Tout le reste du jour, qui est travail (essentiellement travail apostolique, mais aussi travaux intellectuels, travaux manuels, innombrables services communautaires), tout s'efforce d'être aussi oraison, c'est à dire union à Dieu à travers tout. Dans un couvent, on est toujours occupé à quelque chose. L'oisiveté est traditionnellement considérée comme le pire ennemi, en ce sens qu'elle ouvre la porte à tous les autres. Celui qui a donné son cœur à Dieu, met aussi tout son cœur à accomplir son travail en union avec Jésus. De nos jours, la vie de prière ne dispense plus d'aucune facture, et comme dit saint Paul , repris dans la Règle du Carmel, "celui qui ne veut pas travailler ne doit pas non plus manger".
- Les repas sont à peu près ceux de tout le monde, avec toutefois une note discrète d'abstinence et de jeûne. Ils se prennent habituellement en silence, à l'écoute d'une bonne lecture ou d'une belle musique, ce qui est reposant.
- Que je n'oublie pas les jours des fêtes ! Sainte Thérèse d'Avila les voulaient éclatants de joie. Elle n'hésitait pas à s'emparer de son tambourin et de ses castagnettes, et à danser, l'Enfant Jésus dans les bras. Suivant l'importance, la liturgie se fait plus festive, le repas aussi, et la récréation peut se prolonger.
- Une dernière chose qui habite notre quotidien, c'est l'amour dont nous entourons nos anciens et nos malades. Ils sont les chouchous de la communauté, passant avant tout le reste. Ils apportent leur sagesse, leur expérience d'une longue vie, le vivifiant exemple de leur abandon et de leur sérénité, tandis que les plus jeunes mettent à leur service leurs forces encore neuves, en attendant que vienne leur tour...
( D'après fr. Pierre Marie Salinguardes)