Frères et sœurs, le plus important dans notre vie est de toujours
savoir accueillir le don de Dieu,… Marie est « la-toute-bien-disposée »,
préparée au don de Dieu. Son fiat nous
révèle le secret de l'accueil de la grâce. Jésus veut nous communiquer les
dispositions de son cœur immaculé pour nous préparer par elle à le recevoir et
à vivre d'une vie tout unie à lui, au sens où « Être chrétien ne se réduit pas
à suivre des commandements, mais veut dire être
en Christ, penser comme Lui, agir comme Lui, aimer comme Lui ; c'est Le laisser prendre possession de
notre vie et la changer, la transformer... ». C'est pourquoi nous avons
besoin de contempler la Vierge Marie dans son fiat, pour l'imiter.
1. Être tout à Marie pour être tout à Dieu dans le Christ
« Voici
la servante du Seigneur » (Lc 1, 38). Marie a vécu son ouverture à
l'Amour divin dans l'obéissance à la volonté de Dieu. Elle « se place dans
cette volonté, elle insère toute son existence, à travers un grand « oui »,
dans la volonté de Dieu. »…
Marie
a prononcé ce « fiat » dans la foi. Par la foi, elle s'est remise à Dieu
sans réserve et « elle se livra elle-même intégralement, comme la servante du Seigneur, à la
personne et à l'œuvre de son Fils ». Et ce Fils, comme l'enseignent les
Pères, elle l'a conçu en son esprit avant de le concevoir en son sein,
précisément par la foi ! C'est donc à juste titre qu'Élisabeth loue Marie « Heureuse
celle qui a cru à l'accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part
du Seigneur. ».
Sans la Vierge, le Christ n'aurait pu donner aux hommes « la vie surabondante » (Jn 10,10) qu'il est venu leur apporter parce que l'amour, pour se donner, demande à être reçu. Le Christ avait besoin d'un vis-à-vis, d'un cœur qui puisse comprendre le sien, d'une âme qui réponde à sa soif de « nous donner de l'eau vive » (Jn 4,10), une âme qui lui demande continuellement à boire, une âme qui se laisse totalement saisir et emporter par lui dans le sein du Père pour y vivre avec lui la vie éternelle. La Vierge a fait pour nous ce que nous n'étions pas capables de faire nous-mêmes ; elle « a accueilli le Verbe » (Jn 1,12) comme le Père désirait qu'il soit accueilli, et elle peut et veut nous rendre capables de l'accueillir comme elle, de devenir avec elle « un frère et une sœur et une mère » (Mt 12,50) pour le Christ. C'est ainsi qu'elle nous le donne, en nous entraînant dans son fiat, en nous rendant participant de sa foi et de son espérance. Elle, la première disciple du Christ, nous invite à courir à sa suite, « tendus de tout notre être vers le but » (Ph 3,13-14)… L'union très intime dont elle jouit avec son Fils dans le sein du Père, elle ne demande qu'à nous la partager, qu'à nous y introduire. Elle est la gardienne de la vie cachée en Dieu. C'est seulement en elle, par elle et avec elle que nous devenons capables de vivre d'une vraie vie d'enfant de Dieu avec le Christ.
2. Pour entrer dans cette réalisation, il nous faut entrer et découvrir l'humilité de Marie.
Certes avant la venue de l'ange
Gabriel, Marie connaissait et gardait dans son cœur les paroles des prophètes
annonçant la venue du Messie, mais elle était loin d'imaginer que Dieu se ferait
petit enfant. Elle ne connaissait pas non plus le mystère de la Trinité
que l'on ne peut de toute façon comprendre humainement. Ce qui fait la grandeur de sa foi, c'est l'humilité avec laquelle elle
s'est soumise à la Parole de Dieu dans une confiance aveugle. Oui, « Bienheureux ceux qui croient sans voir
», sans chercher à comprendre par eux-mêmes les voies de Dieu. On peut dire que
le
secret de Marie, c'est son humilité, « l'humilité de la foi »,
l'humilité d'une intelligence qui accepte de dépendre totalement de la Parole
de Dieu. Marie n'a jamais cherché à devenir une « grande dame », autonome, mais
elle a aimé dépendre de Dieu, elle a
aimé sa petitesse. Elle nous apprend à entrer dans le silence du cœur et de
l'esprit, à lâcher prise au niveau de notre intellect, à ne pas chercher à tout
maîtriser
par nos calculs et nos raisonnements humains.
Dans l'iconographie traditionnelle, la Vierge Marie est représentée non seulement avec un livre, mais en prière, à genoux : « Marie occupe la première place parmi ces humbles et ces pauvres, les anawim du Seigneur qui espèrent et reçoivent le salut de lui avec confiance » (CE 489).
Marie nous préserve aussi d'une secrète appropriation des dons de Dieu.
Nous sommes tentés sur les grâces reçues. Nous pouvons nous en glorifier d'une
manière quasi imperceptible tout en proclamant que tout vient de Dieu. Marie
n'a jamais cherché à se complaire en elle-même. Sa vie intime est une vie d'action de grâce. Elle trouve sa joie à se
recevoir tout entière de Dieu. Elle veut nous faire entrer dans son action
de grâce qui découle de l'humble reconnaissance et accueil de l'amour gratuit
de Dieu. L'esprit de Marie, c'est l'esprit du Magnificat. C'est pourquoi saint
Ambroise peut dire : « Que l'âme de Marie soit en chacun pour y glorifier le
Seigneur, que l'esprit de Marie soit en chacun, pour s'y réjouir en Dieu ». C'est pourquoi saint Louis-Marie Grignion de Montfort conseille de mettre nos trésors, toutes nos grâces et vertus « dans le sein et le cœur de Marie ». Il nous faut la prendre comme gardienne « trésorière » de nos richesses spirituelles au lieu d’imaginer présomptueusement que nous ne céderons pas à la tentation de nous glorifier nous-mêmes secrètement des dons de Dieu, comme le pharisien de la parabole qui extérieurement rendait grâce à Dieu, mais intérieurement se complaisait en lui-même. Nous sommes si prompts à nous regarder en cachette servir, prier ou jeûner. Marie nous préserve de la tentation sournoise de l'orgueil spirituel.
3. Enfin, Marie nous apprend le secret d'une vie libre, ouverte et large…
« Du fait même que notre âme a été créée à l'image de Dieu », nous dit Saint Augustin, « l'âme est « capax dei » capable de Dieu par grâce », « car l'âme », poursuit-il « par nature, est capable de grâce. Nous sommes faits pour recevoir le don de Dieu et c'est là l'exercice le plus élevé et le plus intime de notre liberté : « dans le fait d'être aimée, en recevant le don de Dieu, Marie est pleinement active, car elle accueille avec une disponibilité personnelle la vague de l'amour de Dieu qui se déverse sur elle ». Notre « oui » à Dieu nous sort de nous-mêmes, de notre petite vie égoïste et nous ouvre aux merveilles de sa grâce. C'est en acceptant de recevoir de Dieu, de dépendre humblement de lui, que nous devenons vraiment libres et que notre vie peut devenir large et lumineuse. L'homme n'est véritablement grand qu'à genoux.
« Marie se trouve devant nous comme signe de réconfort, d'encouragement, d'espérance. Elle s'adresse à nous en disant : Aie le courage d'oser avec Dieu ! Essaie ! N'aie pas peur de Lui ! Aie le courage de risquer avec la foi ! Aie le courage de risquer avec la bonté ! Aie le courage de risquer avec le cœur pur ! Engage-toi avec Dieu, tu verras alors que c'est précisément de cette manière que ta vie deviendra large et lumineuse, non monotone mais pleine de surprises infinies, car la bonté infinie de Dieu ne se tarit jamais ! ». Par son « fiat » Marie, la Mère du Christ, nous enseigne véritablement ce que signifie entrer en communion avec le Christ, nous laisser vraiment toucher et pénétrer par lui. Dans « l'humilité et l'obéissance de sa foi se trouve le secret d'une véritable ouverture de cœur à Dieu. Son « fiat » n'a cessé de s'approfondir comme sa communion avec Jésus.
Jésus est venu dans le monde par Marie et il veut continuer à venir dans nos cœurs par elle. Notre relation avec elle ne doit pas se réduire à une simple demande d'aide. Laissons-la exercer pleinement sa maternité sur nous. Qu'elle soit notre éducatrice sur le chemin de la sainteté.
Demandons à Jésus la grâce de la connaître
dans notre cœur et de nous laisser toucher et attirer par elle sur le chemin
d'une vie d'amour toute pure, toute humble, toute ouverte à Dieu. Amen.